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Moncef Bouchrara

10 MILLIONS D'ENTREPRENEURS Les Tunisiens connaissent la désillusion des après révolutions. Devant l'impuissance et l'irresponsabilité historique de leurs gouvernants et de leurs élites politiques, beaucoup cherchent d'autres voies de redressement du pays et de leur socièté.Comment regarder La Socièté Tunisienne autrement ? Comment regarder l'homme autrement ? Ce blog offre en partage un certain nombre de mes textes écrits et publiés, pour certains depuis plus de 30 ans. D'autres plus recents. Ils refletent une autre perspective et une autre vision pour se redresser et se remettre sur le chemin du progrès et de l'égalité. Le chemin pour une Socièté de 10 millions d'entrepreneurs citoyens.

De la Bureaucratie à la Médiocratie ( 2001) Par Moncef Bouchrara

De la Bureaucratie à la Médiocratie

Par

Moncef Bouchrara

Résumé et Extraits publiés en 2008, d'un texte de 2001, intitulé :

A la recherche des NET'S : Nouvelles Elites Tunisiennes ou Comment vieillissent les institutions

On ne compte plus les travaux de recherche consacrés à la question de la gouvernance institutionnelle et à son approche renouvelée. Moncef BOUCHRARA, Ingénieur Conseil Tunisen, a laissé une sorte de testament à ce sujet, à travers son der­nier écrit à Tunis avant d’aller s’installer à Paris, en 2002. Ce texte archivé à L’IBLA, n’avait pas été publié jusqu’à ce que, le magazine tunisien I’Expression , numéro 23, du 21 mars 2008., en publie un résumé réalisé par Monsieur Mahmoud Abdelmoula, Cadre au Commissariat Génèral du Developpement Régional. Voici ce résumé :

Dans un long article intitulé «Comment vieillissent les institutions : cas du Plan de développement économique tunisien» et datant d’octobre 2001, ”, Moncef Bouchrara, Ingénieur- conseil, aborde une institution particulière du dispo­sitif gouvernemental d’encadrement de l’économie tunisienne : le Plan de développement économique et social ». Il montre comment et pourquoi il a perdu toute son efficacité et pourquoi. Il montre par cet exemple, comment le modèle de développement, inventé dans les années 60’s , même modifié dans les années 1970’s pour s’ouvrir à l’investissement étranger et local, basé sur le simple concept de l’investissement et de la création d’emplois sans discernement, finit, en fait, par aboutir à un immense gachis. Il formule et résume ainsi la faillite de ce modèle : « La dépense publique n’arrive pas à déboucher sur une élévation sensible de la productivité globale de l’entreprise tunisienne, clef principale de la vraie croissance durable et de la création d"emplois pour les jeunes diplômés.....»

En voici quelques extraits..

« Selon la définition de l’approche «néo-institutionnaliste» anglosaxonne, une «institution» correspond à des règles, des organisations, des conventions ou des normes, sociales ou culturelles, évaluées à travers leurs retombées économiques. Il ne s’agit donc pas seulement des organisations officielles, comme on le comprend d’habitude dans les pays où l’Etat est considérè comme le seul pourvoyeur ou le seul siège des institutions. Toutefois, ces institutions, même entendues au sens le plus large, perdent leur efficacité en raison d’un déficit de signification et vieillissent à cause de leur obsoles­cence.

Il nous arrive rarement de penser que nos pratiques et nos organisations vieillis­sent ou deviennent obsolètes. Cela serait-il le cas d’institutions de la politique économique tunisienne qui souffre de l’ab­sence d’une critique méthodologique ? Le Plan tunisien de développement économique et social, par exemple...

Créée en 1961, cette «institution» con­stituait un processus de coordination et une mise en scène publique de la ratio­nalité moderisatrice qui animait la con­struction du nouvel Etat indépendant. Elle est devenue non seulement un rite du débat public, mais aussi l’expression emblématique de l’emprise de l’esprit bureaucratique sur la société. Bien que la Tunisie ait profondé­ment changé dans ses structures économiques et sociales, la fabrication immuable du Plan se succède à elle-même [Elle en est à sa onzième édition ! NDLR]. Réduit à une simple nomenclature de pro­jets et d’investissements assortis d’un bilan des performances et objectifs macroéconomiques essentiellement en ter­mes quantitatifs d’investissements et d’emplois,.

On y relève difficilement une vision à la mesure des défis de l’époque que nous vivons. Une tare méthodologique qui traduit une incompé­tence profonde du système qui le produit. Il est l’instrument d’une culture d’organi­sation et de gestion des moyens publics qui ne sait que dépenser tout en confondant «dépense» et «performance».?

Aux Plans récents il a manqué un esprit critique en matière de performance de dépense publique ou de création de réglementations. Un esprit critique qui a pourtant présidé à la naissance du Plan tunisien, qui a perdu ainsi, de sa substance, de sa pertinence et de son aptitude à éclairer l’observation de la réalité. Il illustre les méfaits d'un pou­voir bureaucratique sur le détournement d’objet d’un instrument de coordination économique.

Notre modèle et ses paradigmes sont en cause et la croissance ne décolle tou­jours pas... à moins que des réformes de structures soient entreprises en vue d’une gouvernance publique performante. Porteur de mécontentement et de déstabil­isation, le chômage des jeunes diplômés produit un pessimisme et une désillusion ainsi qu’un gâchis de capital humain.

C’est ainsi qu’un débat sur la nature de la croissance tunisienne a été soigneuse­ment évité en Tunisie : «En quoi, où et par quoi cette croissance est satisfaisante ou pas». Les réformes suffisent-elles à pallier aux insuffisances de fonctionnement de l’économie, implicitement admises dans le débat public ? De par ses structures organtisationnelles de préparation, d’élaboration et de mise en forme opératoire, le Plan tunisien est-il vraiment cet instrument de mobilisation d’idées ?

C’est à l’aune de ces critères qu’il con­vient de s’inquiéter de l’obsolescence du modèle tunisien et de ses institutions organisant le fonctionnement et la régula­tion de l’économie nationale, dont le Plan. Or, les institutions formelles de participa­tion, de critique ou de proposition dans le cadre du Plan ne semblent pas aboutir à des solutions au malaise tunisien.

Donc, point de cri­tique opératoire pro­fonde du système pub­lic de gestion et de coordination. L’inefficacité des insti­tutions et leur perte de substance ainsi que l’incapacité des élites à produire le change­ment en découlent. La question des fins à atteindre et des méth­odes critiques d’analyse se trouve éludée en focalisant la réflexion sur la dépense publique.

Réfléchir méthodologiquement n’est nullement considéré dans la culture de management public tunisien un acte économiquement valorisant. Il n’intègre guère l’action publique et n’est perçu, rien d’autre, que comme de la pure spéculation intellectuelle (!?).

Les idées et les formes d’organisation économique qui n’émergent pas de l’in­térieur de la bureaucratie, seule dépositaire de la rationalité moderisatrice, sont impertinentes. L’informalité n’est pas con­sidérée comme le symptôme d’un dys­fonctionnement du couplage Société-Etat mais d’une incompétence de la société (!). Nous sommes là au cœur même d’une cul­ture politique où «la source de légitimité culturelle n’est pas la société, mais l’Etat» (A. Gramsci). Les critères de choix des élites technocrates qui expliquent qu’elles le soient devenues sont donc à questionner à travers un regard distancié d’évalua­tion... rarement per­mis.

Il y a là une ten­dance culturelle à la réification, cette apti­tude qui consiste à per­dre le sens d’une action pour ne plus retenir que la forme, qui prend le dessus sur le contenu. L’attachement réifié à l’investissement ou à la dépense publique aboutit à une inflation dans les budgets. Un étranger parmi nous passe souvent du con­fort intellectuel au malaise puisque pour des grades et diplômes similaires la compétence réelle ne se compare pas.

«La défaillance de la bureaucratie tunisienne provient de l’uniformité et du conformisme de ses hommes.»

De tels principes correspondent à, un chantier bien plus cul­turel et politique que législatif ou budgé­taire. Cela se traduit par des révisions et surtout des raisonnements novateurs à mobiliser dans une perspective de change­ment et de réapprentissage organisationnels. Instruments nécessaires de gestion publique, les textes et les règlements ne peuvent en être les outils exclusifs. Les décisions de la bureaucratie ne sont nulle­ment les seules «filles» du corpus juridique adminis­tratif.

C’est ainsi que s’expliquent les inef­ficacités observées de la dépense publique tunisienne. Nos élites ont une défaillance observable et démontrable de culture applicative du savoir économique et du management à notre réalité organisationnelle. Ainsi, en Tunisie, une compétence applicative est ignorée et même méprisée. La promotion des hommes aux postes de décision ne tient pas compte de cet aspect.

«Dans un pays où l’Etat est omnipotent, il est difficile de repérer un leadership ingénieux.»

La dépense publique n’arrive pas à déboucher sur une élévation sensible et prouvée de la productivité globale des facteurs de l’en­treprise tunisienne. Ce manque de causal­ité prouvée entre allocation de ressources publiques et augmentation de l’intelli­gence productive de l’entreprise ou de l'administration publique mérite d’être souligné. La pro­ductivité tunisienne ne s’envolera pas tant que celle de son système décisionnel pub­lic n’a pas fait de saut qualitatif sub­stantiel. La croissance tunisienne est molle en raison d’une gestion «enchâssée» dans un modèle économique perverti. Quid donc de ce paradoxe tunisien où la dépense publique ne débouche pas sur une per­formance suffisamment importante de l’é­conomie ? Attribuer la mollesse de la croissance tunisienne à une dépense publique sous- performante revient à admettre l’idée même d’une sous-compétence de nos prétendus compétents de tech­nocraties.

Poser correcte­ment un problème ne signifie nullement que l’on ait progressé dans la découverte de solutions appropriées. Car on ne peut plus emprunter ou plagier ce qui se fait ailleurs. Le problem solving autant que l’interpretive skill des situa­tions réelles sont à la fois un art et une compétence. On ne s’établit pas problem solver et encore moins "problem setter" quand on a grimpé dans la hiérar­chie de la bureaucratie grâce à une stratégie de conformisme ou d’apparences. La défaillance de la bureaucratie tunisienne provient de l’uniformité et du con­formisme de ses hommes. Si dans les secteurs privé et civil la compétence finit par émerger, cela n’est nullement le cas dans l’administration publique où l’ho­mogénéité des profils y est règle cardinale. L’aptitude au changement des organisa­tions se mesure à tra­vers leur capacité d’apprentissage organisationnel et décision­nel.

«L’administration publique retient les compétences à son image. Elle ignore l’expertise, la pertinence et l’audace.»

On n’édicte pas, on ne contrôle pas et on ne bloque pas le changement culturel. L’élite économique tunisienne n’a pas une expérience avérée du changement social ou culturel. Dans un pays où l’Etat est omnipotent, il est difficile de repérer un leadership ingénieux.

Le «bouche-à-oreille», cet espace pub­lic informel dont les héros et modèles ne paraissent pas dans les médias, rivalise avec la bureaucratie, cet autre espace pub­lic officiel non fiable où les critères d’émergence des compétences sont distor­dus. Un décideur public est en mesure d’évincer celui qui ne lui ressemble pas.

L’administration publique retient les compétences à son image. Elle ignore l’ex­pertise, la pertinence et l’audace. Des qualités que ne signalent pas le statut bureaucrate...

Reprenant indéfiniment la même rhé­torique, le Plan tunisien ressemble à une levure usée parce qu’elle a trop servi et n’a pas pu être revi­talisée. L’élite bureaucrate qui veille sur cette institution semble entamer son potentiel en la matière [Depuis le milieu de la décennie ’90, on *he cesse d’évoquer ce «Plan glissant» à chaque fois qu’il est question d’afficher une volonté d’innovation en la matière. Toutefois, con­crètement, on ne voit rien venir encore... . Un recyclage ou un métissage avec de nouveaux talents sont alors vive­ment recommandés.

Sinon, comment envisager sérieuse­ment de rattraper les plus retardés des pays de l’Europe ? Les jeunes générations tunisiennes accepteraient-elles de condi­tionner leur bien-être à la traîne d’une bureaucratie visiblement incompétente ?

Outre la réorientation de l’économie autour de critères de performance de la dépense publique, une remise en question des élites demeure à entreprendre en vue de développer un consensus économique nouveau. La bureaucratie tunisienne et ses technocrates sauront-ils faire preuve de respect et d’ouverture envers ces Tunisiens qui raisonnent pertinemment et surtout dif­féremment ? Sauront-ils revoir leurs critères de jugement et d’évaluation ? Sauront-ils s’abstraire de leurs rigidités culturelles et de leur conformisme dans le regard porté sur le capital humain local ? En recrutant des «compétences» à son image, la bureaucratie tunisienne ne pro­longe-t-elle pas son isolement et son inef­ficacité ? Une inefficacité qui ne peut ten­dre vers la revalorisation de son statut.

En Tunisie, il y a vif besoin d’instaura­tion d’une véritable méritocratie nationale qui soit fondée sur le critère de l’œuvre réelle accomplie, jugée par libre choix et publiquement débattue... »

Moncef Bouchrara,2001, extraits de « A la Recherche des Net’s : Nouvelles élites Tunisiennes : Comment vieillissent les Institutions en Tunisie », texte, 25 pages ronéotés.

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